mercredi 10 octobre 2007

Compte de mots – 10 octobre

L’amour, à la vie à la mort

J’ai terminé hier soir le très beau récit d’André Gorz intitulé « Lettre à D. (histoire d’un amour) ». J’ai vraiment adoré ce texte d’amour et d’adieu à sa femme. J’ai trouvé très touchant que cet homme se penche sur leur cinquante huit ans vie commune, qu’il nous raconte l’essentiel, avec si peu de mots. Dans le livre, Gorz rend hommage à sa femme, à celle qu'il avait oublié dans ses écrits, alors qu'elle était l'essentiel. Alors qu’elle était tout.

Tu es l’essentiel sans lequel tout le reste,
si important qu’il me paraisse tant que tu là,
perd son sens et son importance.

P. 73

Gorz a intensément aimé sa femme. Elle l’aimait au moins tout autant. Difficile d’imaginer que l’un puisse survivre à l’autre tant ils étaient unis.

La nuit je vois parfois la silhouette d’un
homme qui, sur une route vide et dans
un paysage désert, marche derrière un
corbillard. Je suis cet homme. C’est toi
que le corbillard emporte. Je ne veux
pas assister à ta crémation

P. 75

Leur mort volontaire était inscrite en toutes lettres dans ces pages d’une cruelle beauté.

Nous aimerions chacun ne pas avoir
à survivre à la mort de l’autre.

P. 75

Selon Pierre Assouline[1], le couple se serait allongés l’un contre l’autre. Sur la porte de leur maison il y avait une pancarte qui disait : « Prévenir la gendarmerie »...

Pourtant, l’espoir n’est pas mort.

Nous nous sommes souvent dit que
si, par impossible, nous avions une
seconde vie, nous voudrions la
passer ensemble.

P. 75

J’aime croire qu’ils sont toujours unis. Quelque part dans un ailleurs improbable.



[1] http://passouline.blog.lemonde.fr/2007/09/26/histoire-dun-amour/



André Gorz
« Lettre à D. (histoire d’un amour) »
Broché, 75 pages
Editions Galilée, Collection : Incises
ISBN : 978-2718607276
CCR :131.re/GOR

2 commentaires:

Blanche a dit...

Impensable de nos jours, cette histoire d'amour si fort qu'il pousse au suicide du couple... et pourtant...

Bob August a dit...

Tu as tout à fait raison Blanche ; une telle histoire d’amour est impensable de nos jours. Du moins, dans le domaine public. Dans le domaine privé, c’est une autre histoire : il existe certainement des gens qui s’aiment aussi fort. Mais comme le disait une romancière d’ici, « Les gens fidèles ne font pas les nouvelles »[1]
En même temps, je suis partagé entre l’admiration et le désespoir face à l’histoire de Gorz et sa femme : admiration car s’aimer autant, c’est un beau cadeau de la Vie, mais désespoir car si un amour si fort mène nécessairement au suicide...

[1] Nadine Bismuth, « Les Gens fidèles ne font pas les nouvelles ». Éd. du Boréal, 1999, 227 p.