mercredi 13 juin 2007

Compte de mots - 13 juin



Je, François Villon

Soyons franc, de Villon lui-même, nous ne connaissons rien ou presque. C’est pourquoi approcher le poète et son époque était un pari risqué. Risqué mais réussit haut la main par Jean Teulé.
Magnifique roman donc - mais publicisé comme un récit biographique. Jean Teulé utilise une langue toute en poésie, tout en rythme et c’est avec beaucoup de sensibilité, d’intelligence et de justesse qu’il nous décrit Villon et son époque.
Les poèmes fondateurs de l’oeuvre du poète sont prétextes des causes (et ses conséquences) des malheurs et des joies dans la vie du poète.

Mais attention coeur sensible, rien ne nous est épargné : meurtres, tortures, viols, décapitation, famine, banditisme ... euh ! le menu quotidien du bulletin de 18h en fait, mais à la sauce XVe siècle

Si on doit se résoudre a admettre que de grands pans de la vie et de l’oeuvre de Villon nous échappent encore, il ne faut pas gâcher son plaisir ; il faut lire (ou relire) l’oeuvre de ce « premier » poète maudit, en s’accompagnant du roman de Teulé : c‘est ce que j’ai fais, en accompagnant la lecture du roman avec les oeuvres complètes de Villon (une « vieille » édition antérieur à 1940, achetée pour une bouchée de pain dans un petit village de l’Outaouais au début des années 1990).


La ballade des pendus (extraits)

Frères humains qui après nous vivez
N'ayez les coeurs contre nous endurciz,
Car, ce pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tost de vous merciz.
Vous nous voyez ci, attachés cinq, six
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéca devorée et pourrie,
Et nous les os, devenons cendre et pouldre.
De nostre mal personne ne s'en rie :
Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre !



Cette ballade fut admirablement chanté par Serge Reggiani


TEULÉ, Jean.
Je, François Villon,
Paris, Pocket No. 13135, 2007, 435 p.
9782266166539
131.r/TEU

lundi 11 juin 2007

Compte de mots - 11 juin



« Parcours d’un roman (à la sauce anglaise) »

Quiconque a déjà fait paraître un livre sait que l’entreprise est parsemé d’embûches (vieux bandit m’a déjà raconté une partie de son histoire à elle et c’est pas jojo). J’imagine que parfois, un auteur qui a survécu à l’édition et la parution de son livre doit se dire : je devrais écrire ça. Puis, on se ravise en se disant ; personne ne me croira. Et bien un français l’a fait - et avec beaucoup d’humour et d’esprit : « Le parcours du premier roman » de Jean-Michel Barrault. C’est très drôle, très vivant et tellement près de la réalité - j’en sais quelque chose car j’oeuvre moi-même dans une maison d’édition. Plusieurs années après avoir lu le roman, je garde encore en mémoire des passages entiers.
Alors qu’elle ne fut pas ma surprise de constater qu’un anglais c’était lui aussi attaqué, à sa façon, au parcours d’un premier roman. Avec « La grande poursuite », Tom Sharpe (qui n’en est pas à son premier roman) raconte une histoire de premier roman qui s’avère décevante. En fait, pour être juste, je dois avouer que le premier tiers du livre est très bon (ça demande cependant une solide connaissance de la littérature pour en apprécier l’humour et l’intelligence). Il y a même un dialogue complètement surréaliste à propos du Dasein, alors que l’interlocuteur comprends qu’il s’agit de... dessin ;-) C’est après cette épisode que ça se gâte. Le roman n’a pas la finesse du roman de Jean-Michel Barrault. Mais il a le ton irrévérencieux d’un David Lodge (« Pensées secrètes ») – la finesse en moins – et le ton cru d’un Joseph Connolly (« Vacances anglaises », « N’oublie pas mes petits souliers »).

Mais le plus étrange de tout ceci, c’est la référence au sexe (pour ne pas dire l’obsession) qui semble habiter les personnages de Connolly, de Lodge et de Sharpe ; ça me laisse songeur sur ce que doit être le sexe chez les anglais…

Bref, un livre intéressant à lire pour le premier tiers. On lit le reste en espérant retrouver le ton du début ; ça n’arrive jamais - vous êtes avertis !

SHARP, Tom.
La grande poursuite, Traduction de "The great pursuit"
Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Laurence
Paris, Gallimard, Collection Folio 1988, 376 p.
9782070379316
121.r/SHA