lundi 21 janvier 2008

Compte de mots – 21 Janvier




Le poids des mots...

Je viens de terminer la lecture de la revue thématique Études françaises consacrée à François Villon. Comme toujours dans ce genre d’études, il y a du tout bon et du franchement mauvais. Le franchement mauvais ? Moi tout ce qui touche à la sémiotique, je suis pas capable. C’est physique - j’y suis carrément allergique : le dominant, le dominé, le vo et le veau, désolé, mais je n’y crois pas. Je ne crois pas qu’à force de décortiquer, de déchirer, de disséquer une phrase, un mot, qu’on arrive à mieux comprendre un texte. En fait, on s’enfonce tellement dans des concepts obscures qu’on en oublie l’oeuvre et son auteur, au détriment du sémiologue qui prends toute la place ! Un exemple :

« Ainsi, s’il convient de définir le sème comme unité globale de production de sens, nous voici autorisé à élever la marque de temps, dans la forme historicisante qu’elle emprunte dans l’oeuvre de Villon, au rang d’un sème dominant auquel nous donnerons le nom d’archisème puisque aussi bien c’est de sa préséance englobante que procèdent les sèmes d’écriture et de marché, que par ailleurs nous avons déjà identifiés comme inhérents, au même titre que le sème temps, au discours testamentaire. »
- Jean-Marcel Paquette, Études françaises.
Temps, écriture et change : pour une sémiosis du Testament de Villon (Pages 6-7)

Vous avez compris quelque chose vous ? Votre compréhension des textes de Villon s’est enrichie grâce à ce genre de texte bouffon ? Grand bien vous fasse !!!

Vous aurez sans doute remarqué l’absence de point (la ponctuation) dans le texte de Paquette ; on « sème » ainsi le lecteur pour mieux le détourner du texte de Villon et ainsi, donner toute la place au sémiologue. De toute façon, la ponctuation, c’est bon pour les pleutres ! Le sémiologue, le vrai, n’a pas besoin de recourir à de tels artifices (parce que le sémiologue, le vrai, écrit sans point ni virgule).

On dit que la sémiotique permet une plus grande compréhension des écrits. Moi j’ai plutôt l’impression qu’elle permet surtout à une gang de bouffons de se mettre en avant plan, sans donner de véritables clefs pour une plus grande compréhension des textes. Car ne nous leurrons pas ; une grande part de l’oeuvre de Villon (tout comme sa vie) nous sera toujours étrangère. Rappelons-nous ce que Marot disait à ce sujet :

« pour suffissamment cognoistre et entendre Villon, il fauldroit avoir esté de son temps à Paris, et avoir cogneu les lieux, les choses et les hommes dont il parle. »
- Clément Marot [1]

Et Marot ne fut pas le seul à le penser ; chaque nouvelle percée dans l’oeuvre de Villon apportait aussi son lot de détracteurs.

« Après tant d’efforts pour rendre au lecteur moderne cette importante partie de l’oeuvre villoniennne [RE : Les Ballades en jargon] voilà que le fondement même, posé avec soins [...] semble s’effriter dans la conscience des chercheurs. »
Ionela Manolesco, Études françaises .
Quatre Ballades de Villon en jargon traduites en français moderne, Op. Cit., page 75

Je ne pense pas qu’il faille faire fi de toutes recherches. Il existe des efforts louables. Il existe de vrais chercheurs. C’est grâce à eux que nous pouvons approcher l’oeuvre de Villon avec une plus grande compréhension.

« Les poésies de maître François Villon formeraient un très mince volume si on réduisait à ce qui lui appartient authentiquement. Le Petit Testament, le Grand Testament, quelques pièces détachées et le Jargon, voilà tout ce qui constitue l’oeuvre incontestable du pauvre écolier parisien. »
- Louis Moland, Avertissement dans Oeuvres complètes François Villon, page V

On sait bien peu de choses de sa vie.
« Après le Grand Testament, maître François disparaît complètement à nos yeux. [...] À quelle époque et en quelles circonstances Villon mourut-il ? C’est ce qu’on ignore entièrement. »
- Louis Moland, Op. Cit. pages XXXVIII et XXXIX

Celui qui, à mon avis, a le mieux synthétisé la vie de Villon, c’est Jean Teulé. Il en a fait un très beau roman : Je, François Villon. J’en avais dit beaucoup de bien quelque part dans ce blogue. Je le pense encore.



[1] un rappel pas inutile : c’est sur l’ordre du Roi François Ier que Clément Marot de Cahors publie une première édition officielle en quelque sorte, des poésies de Villon.

Études françaises, Villon testateur
Les Presses de l’Université de Montréal
Avril 1980 (No. 16/1)
ISBN : 2760604896
CCR : 111,1.e/COLL

Autres références :
Oeuvres complètes, François Villon, édition établie et présentée par Louis Morand. Classique Garnier, 1942 ;
Je, François Villon, Jean Teulé. Pocket, 2006 ;
Villon, Poésies complètes , édition établie et présentée par Robert Guiette, Le livre de poche classique, 1964.

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