lundi 14 décembre 2009

Relecture - 14 Décembre


Relire...



La quatrième loi des «
Droits imprescriptibles du lecteur» tels que définis pas Daniel Pennac stipule que le lecteur à «le droit de relire.» Et c’est un droit que je m’accorde plusieurs fois par année. La relecture c’est comme revenir à la maison après un long voyage ; c’est comme revoir une amie après une longue séparation. Relire, c’est emprunter un sentier connu mais vu avec des yeux nouveaux. Sous un nouvel éclairage. Dans une autre saison.

En ce moment, je relis «
Oeuvres» de Saint-Denys Garneau (plus de 1 300 pages) et «Oeuvres en prose» de Saint-Denys Garneau (plus de 1 100 pages), deux ouvrages aujourd’hui épuisés. Saint-Denys Garneau c’est sans doute l’auteur que j’ai le plus souvent relus - en fait, je suis toujours en train de relire son oeuvre. Depuis que j’ai découvert cette voix unique dans le paysage québécois (je devais avoir douze ou treize ans à l’époque) je n’ai plus jamais connu le repos : je voulais avoir tout lu sur cet auteur mort en 1943. J’ai donc tout lu - ou presque. J’ai même mis la main sur une revue de 1936* dans laquelle Saint-Denys Garneau trace un (long) portrait sur un auteur complètement oublié aujourd’hui : Alphonse de Chateaubriant (à ne pas confondre avec René de Chateaubriand, auteur du monumental «Mémoire d’outre-tombe», livre qu’il faudrait mettre entre toutes les mains. Mais je m’égare...).

En ce moment, je me repasse les pages du journal. J’irai faire un saut du coté de sa correspondance un peu plus tard cette semaine. Je compte relire ses poèmes pendant la période des fêtes. Je regarderai ses peintures aussi. Et ses photos.


MAISON FERMÉE

Je songe à la désolation de l'hiver
Aux longues journées de solitude
Dans la maison morte--
Car la maison meurt où rien n'est ouvert--
Dans la maison close, cernée de forêts

Forêts noires pleines
De vent dur

Dand la maison pressée de froid
Dans la désolation de l'hivers qui dure

Seul à conserver un petit feu dans le grand âtre
L'alimentant de branches sèches
Petit à petit
Que cela dure
Pour empêcher la mort totale du feu
Seul avec l'ennui qui ne peut plus sortir
Qu'on enferme avec soi
Et qui se propage dans la chambre

Comme la fumée d'un mauvais âtre
Qui tire mal vers en haut
Quand le vent s'abat sur le toit
Et rabroue la fumée dans la chambre
Jusqu'à ce qu'on étouffe dans la maison fermée

Seul avec l'ennui
Que secoue à peine la vaine épouvante
Qui nous prend tout à coup
Quand le froid casse les clous dans les planches
Et que le vent fait craquer la charpente

Les longues nuits à s'empêcher de geler
Puis au matin vient la lumière
Plus glaciale que la nuit.

Ainsi les longs mois à attendre
La fin de l'âpre hiver. Je songe à la désolation de l'hiver
Seul
Dans une maison fermée.



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* La relève, mai juin 1936 (15 sous)
Selon
Wikipédia, «La Relève est une revue littéraire fondée par Paul Beaulieu, Robert Charbonneau et Claude Hurtubise, en 1934. Elle constitue un cahier littéraire mensuel, fondé par des jeunes formés par les Jésuites, au Collège Sainte-Marie, à Montréal. Les principaux collaborateurs québécois à la revue, en plus du noyau que forment les trois fondateurs, sont Robert Élie, Roger Duhamel, Saint-Denys Garneau, Jean Le Moyne. Les collaborateurs venant de l'étranger sont Daniel-Rops, Jacques Maritain, Emmanuel Mounier. D'autres viendront s'ajouter, lorsque la revue devient La Nouvelle Relève en 1941.»


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