lundi 13 décembre 2010

Les préfaces - 13 Décembre



Source de la photo.


«Du plus loin qu'il m'en souvienne, j'ai toujours aimé les préfaces.»
Pierre Bergé, «L'art de la préface».


La question est donc lancée : Les préfaces, vous les lisez vous ? Moi, si. Parce que j'ai toujours pensé que, si écrire relevait d'un art, écrire une préface était aussi un art d'écrire. Différent, mais un art tout de même. Mais plus souvent qu'autrement, je suis déçu des préfaces. Tout d'abord, je me sens «obligé» de les lires, alors forcément, je suis toujours un peu déçu, car une préface c'est tout sauf un art (n'en déplaise à Pierre Bergé)[1]. Tout d'abord, c'est toujours trop long une préface. Je rêve du jour où je vais tomber sur une préface qui dira simplement ceci :
«lisez ce livre, j'aime son auteur, j'aime ses textes ; vous aimerez aussi.»
Car au fond, c'est un peu ça que devrait écrire le préfacier (enfin, généralement). Mais trop souvent, il (le préfacier) le dit dans les «mots savants» d'un universitaire qui a beaucoup lus, mais d'où les émotions et de chaleur sont exempts. Un exemple ? prenez n'importe quel livre «sérieux» et vous voilà avec une préface plus «sérieuse» encore que le sujet du livre - vous avez déjà lu la préface d'un livre sur la sexualité ?

Heureusement, toutes les préfaces ne sont pas ainsi ; certains préfaciers aiment tellement un auteur qu'ils vont pondre une préface de 50 pages, pour une livre qui en totalise 110 !
Chez d'autres, la préface sera relativement courte, mais farcies de références à des auteurs et des livres inconnus - mais que vous devez lire.
Chez d'autres encore, pour vous convaincre que l'auteur que vous vous apprêtez à lire est incontournable, intemporel (voir même : immortel), on dira de lui qu'il est le fils de... (placer ici le nom d'un auteur illustre, de préférence mort). Et c'est exactement ce que fait Nadia Dhouka dans sa préface des oeuvres de Léo Malet (1909-1996)[2] : je n'en suis qu'à la page 18 de sa préface et déjà, elle a réussit à nous dire que Nestor Burma est en fait le fils du Rodolphe d'Eugène Sue, du comte de Monte Cristo (Dumas), du Chevalier Dupin (Poe), de Sherlock Holmes (Doyle), d'Arsène Lupin (Leblanc), de Fantômas (Souvestre et Allain), de Rouletabille (Leroux) et même, de Hercule Poirot et Miss Marple (Christie) - rien de moins. Et ce n'est pas tout ; à la page 19 de la préface je vois poindre le nom de Dashiell Hammet et du roman noir ; ne me dites pas que Malet est aussi le fils de cet américain ! Et qui sait, à la page 30 nous apprendrons peut-être que Nestor Burma est finalement le père de l'inspecteur Wallander de Mankell ? Le suspense est à son comble (ironie).
Nadia Dhouka a surtout voulut nous démontrer ici sa grande culture du roman policier, en référant l'oeuvre de Malet aux auteurs cité dans sa préface ! Pour ma part, je pense que Malet s'est bien amusé à «semer» des pistes sur des auteurs qu'il avait lu (un clin d'oeil en quelque sorte). Mais de là a écrire qu'il est le fils de... Pfft !

Il arrive aussi que le préfacier prenne toute la place, tout simplement parce qu'il déteste le sujet ou l'auteur du livre ; j'ai encore en mémoire la trop longue préface Sylvère Monod (?) - je cite son nom de mémoire - pour le roman «Jane Eyre» de Charlotte Brontë, dans une édition en pseudo cuir rouge chez France loisirs ; 72pages de fiels. Je me souviens qu'après avoir lu cette préface - je devais avoir 13 ou 14 ans à l'époque - j'ai pas pu lire le roman, pensant - a tord - que le livre ne valait rien ! J'ai longtemps conservé cet exemplaire de «Jane Eyre» comme exemple de préface à ne pas lire. Hélas, manque de place dans mes bibliothèques, j'ai dû m'en départir il y a quelques années, non sans avoir collé une mise en garde sur la première page de la préface ;-)

Les préfaces, vous les lisez vous ? Moi, si. Et ce soir je vais poursuivre la lecture de la préface du Malet, espérant en apprendre encore plus sur la filiation de Malet avec tous les auteurs de romans policiers (fin de l'ironie).

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[1] Pierre Bergé, «L'art de la préface», Editions Gallimard, collection blanche. 304 pages. 2008. ISBN : 9782070122813
[2] Léo Malet. «Nestor Burma - Les nouveaux mystères de Paris I» (tome II) dans la collection Bouquins chez Robert Laffont

6 commentaires:

Trader a dit...

La qualité des préfaces tient aussi du sérieux d'une maison d'édition. Celle-ci saura le plus souvent trouver la personne capable D'INTRODUIRE le lecteur au monde de l'auteur.

L'introduire en suivant quelques paramètres comme l'époque de l'auteur ainsi que la conjecture artistique en jeu, ensuite le sujet lui-même de l'oeuvre et son impact, au besoin, sur le monde qui aura accueilli cet oeuvre.

Je me rappelle encore la préface d'un certain Sigmund Freud à l'occasion de la réédition des Frères Karamazov dans la collection Folio.

"Nous avons le droit d'affirmer que Dostoïevski ne se libérera jamais du poids que l'intention de tuer son père laissa sur sa conscience."

Une préface bien faite, ni trop docte, ni trop simpliste, c'est un amuse-gueule haut-de-gamme que je savoure le plus souvent tout auntant que l'oeuvre lui-même.

Mais, faut-il le reconnaître, cet art de préfacier ne court pas les rues.

Julien a dit...

Au passage, je te signale que les « Lettres à Yves », écrites par ce même Bergé, sont très touchantes... Il a décidément une belle plume.

Grominou a dit...

Il m'arrive de les lire, souvent en diagonale je l'avoue, mais toujours APRÈS lecture du roman, suite à quelques expériences malheureuses où le préfacier révélait une trop grande part de l'intrigue!

Bob August a dit...

@Trader
Oui, c'est un art qui se perd... J,aimais beaucoup les préfaces très complètes de Francis Lacassin - décédé en 2009 ou au début 2010. Voir ses nombreuses préfaces dans la collection Bouquin chez Robert Laffont. Ou encore Christian Bourgois Éditeur dans les années 1970

Bob August a dit...

@Julien
Je jette un coup d'oeil là-dessus de cet après-midi

Bob August a dit...

@Grominou
C'est une idée ça de lire une préface après avoir lu le livre. C'est donc une préface qui devient en quelque sorte une postface ;-)