dimanche 11 novembre 2007

Compte de mots - 11 novembre




« Le silence de Racine après Phèdre
n’est pas le silence d’un auteur : c’est la
mort d’un genre. Racine vit encore, mais
la tragédie qu’il a inventée est morte.
».
- François Mauriac, Mémoires intérieurs, p. 237

Après toutes ces années, je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi j’aime Mauriac. Tout (ou presque) devrait m’éloigner de lui. Pourtant, je n’ai de cesse de lire ses oeuvres (romanesques ou non). Je n’ai de cesse de découvrir que derrière ce « curé » ce cache un homme étonnement ouvert. Et ses « Mémoires intérieurs », qui ne sont pas de véritables mémoires mais plutôt un prétexte pour raconter sa passion de la littérature, renforce cette idée d’homme ouvert d’esprit. Même sur l’homosexualité de Gide, Mauriac n’est pas celui qui condamne, mais plutôt celui qui ne juge pas. Celui qui ose dire tout haut : « Suffit pour la sexualité de André Gide » (chapitre XII).

Tout au long des 384 pages, Mauriac raconte sa passion de la littérature et des écrivains tout en se racontant (les femmes sont cependant étrangement absentes de son livre. Seule exception peut-être ; Emily Brontë). Mauriac parle des écrivains du passé (pour nous) avec qui il a parfois entretenu une correspondance (Proust, Gide) ou tout simplement, admiré l’oeuvre (Flaubert, Baudelaire, Rimbaud). S’il écorche au passage une littérature plus « moderne », évacué de ses valeurs chrétienne
« Les romanciers d’aujourd’hui ne voient que ce qu’ils voient »
p. 325
Mauriac n’en demeure pas moins un témoin privilégié de la littérature du XXe siècle (jusqu’en 1970 en fait, année de sa mort).

Le livre se termine sur cette phrase sublime et toute simple :

« J’interromps ici ces mémoires. Ils auront
une suite, si ma vie intérieur en a une,
- la seule qui vaille d’être racontée – et si
je garde mes yeux, et si je puis continuer
de remonter le cours du temps à travers
mes lectures d’autrefois
».

Une suite, il y en aura effectivement une, avec la publication de « Nouveaux mémoires intérieurs ». J’y reviendrai en temps et lieu... Mais pour moi, le chef d’oeuvre de Mauriac demeure son roman « Un adolescent d’autrefois », écrit juste avant son décès. En fait, « Un adolescent d’autrefois » fait partie de cette courte liste de livres que j’ai dû relire quinze fois en vingt ou vingt-cinq ans.


François Mauriac
« Mémoires intérieurs »
Livre de poche, 384 pages

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