mercredi 8 août 2007

Compte de mots - 08 août




« C'est à la hache que je travaille. Remarquez que je n'aime
pas ça. Je suis plutôt délicat par tempérament
»
- Le Frère Untel (Jean-Paul Desbiens)
Avertissement in Les insolences du frère Untel

J’ai entrepris la lecture d’un curieux petit livre qui m’est tombé entre les mains l’autre jour : « Lettres à l’abbé Baillargé (à propos d’éducation) » de Louis Fréchette (1839-1908). Avec tout ce qui se dit - et tout ce qui se fait « tout croche » dans le domaine de l’éducation en ce moment, j’étais curieux de voir comment c’était « avant », « dans l’temps ». Résultat ? (soupir !) on apprends jamais des erreurs passé...

C’est après avoir visité une exposition scolaire au Mont-Saint-Louis que Fréchette décide de s’attaquer, avec toute la verve et l’humour dont il est capable, aux collèges classiques qui, selon lui, n’enseignent pas à parler, lire, ou écrire correctement. La réponse à ses attaques ne se fit pas attendre : Frédéric-Alexandre Baillargé, abbé et professeur au Collège de Joliette s’en prend (j’ose à peine dire répond) à Fréchette dans une lettre parue dans deux journaux, en avril 1893. Fréchette répond alors avec une série de treize lettres qui paraîtront dans divers journaux (La Patrie, Le National, La Liberté et L’Opinion publique). Fréchette, pour prouver qu’on enseigne mal le français dans les collèges, démontre, à partir des différents écrits de l’abbé Baillargé, qui fut lui-même un étudiant issu du collège classique avant d’y enseigner, ne sait pas écrire, fait des fautes de toutes sortes et où, trop souvent, le contenu frôle l’imbécillité. Une fois l’adversaire mis K.O. (l’abbé Baillargé perdit son poste de professeur), Fréchette suggère une réforme du système de l’éducation, réforme qui passe par un renouvellement de la pédagogie : examens pour les enseignants, enseignement pratique axé sur les sciences, meilleur apprentissage de la langue maternelle et de l’anglais, implication de l’État et des laïcs dans l’éducation, etc.
Plus d’un siècle après la parution des lettres, qu’en est-il ? Malgré le rapport Parent[1], une réforme scolaire épouvantable et l’entêtement des différents « sinistres » de l’éducation (péquiste et libéraux) a garder le cap sur la réforme, force nous est de constater qu’aujourd’hui, rien n’a vraiment changé. Triste constat ; l’école n’enseigne pas plus à parler, lire, ou écrire correctement que du temps de Fréchette. Pire : c’est maintenant les enseignants que l’on montre du doigt (pas assez compétents, ne sachant ni bien parler ni bien écrire, etc.). Ce qui fait bien l’affaire des instigateurs de cette stupide réforme (des fonctionnaires de ministère de l’éducation).
Mais bon, tout n’est pas noir pour autant. Un exemple : dans mon temps, à peu près tous le monde parlait de « toaster » pour désigner un grille-pain ; vous en connaissez beaucoup encore des gens qui disent toaster aujourd’hui ? En même temps, j’ai en tête un test maison fait par un professeur d’histoire au secondaire : à l’aide d’une carte aveugle de l’Europe, le professeur à demandé a 144 élèves d’identifier l’Italie. Vingt-deux (22) seulement ont réussit. Et dire que c’est à ces mêmes élèves qu’il faut enseigner l’histoire de la renaissance !
Curieux et pas du tout rassasié, j’ai relu en partie « Les insolences du frère Untel » de Jean-Paul Desbiens. Non, vraiment, rien n’a changé... Je puis comprendre toute l’aigreur qui habitait le frère Untel dans les dernières années de sa vie.
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[1] le rapport Parent recommandait, entre autres choses, la création du Ministère de l'éducation du Québec, la scolarisation obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans, la création des CÉGEP en remplacement des collèges de l'époque dirigés par des religieux, la formation poussée des enseignants et l'accès aux universités en dehors de toute classe sociale




De Louis Fréchette, j’ai lu (il y a quelques année déjà), dans une vieille édition, « Mémoires intimes », une biographie inachevée. C’est sans aucun doute son meilleur texte. C’est un texte à découvrir, à lire et relire... En jetant un oeil dans ma base de données de livres, je constate que j’avais mis la cote de 5 au livre, soit la cote la plus haute. Pas si pire pour un livre écrit « pour instruire et surtout distraire et amuser le lecteur » selon l’éditeur...

Fréchette, Louis,
« Lettres à l’abbé Baillargé » (à propos d’éducation)
Édition Bibliothèque Québécoise
Montréal, 2003. 267 p.
ISBN : 9782894062296
CCR : en attente de classification

Fréchette, Louis,
« Mémoires intimes»
Édition Bibliothèque Québécoise (2004)

Le frère Untel (Desbiens, Jean-Paul)
« Les insolences du frère Untel»
Édition de l’Homme (2000)
Il est possible de trouver dans l’usagé les anciens éditions et tirages de l’ouvrage. Il est aussi possible de télécharger cet ouvrage, en toute légalité, à l’adresse suivante :
http://classiques.uqac.ca/contemporains/desbiens_jean_paul/insolences_frere_untel/insolences.html

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