dimanche 11 avril 2010

Compte de mots - 11 Avril





La vie «en région» à la fin des années 60

Comme beaucoup de montréalais j’imagine, je connais assez peu de choses sur la vie «en région
*». J’ai donc plongé avec beaucoup de plaisir dans «La soeur de Judith» de Lise Tremblay, dont l’action se déroule à Chicoutimi-Nord** L’auteurs y décrit avec beaucoup de finesse les rouages complexes de la fin de l’enfance et le début de l’adolescence, vécut à travers les yeux de la narratrice qui est l’amie de la «Soeur de Judith». Mais qui est donc cette Judith ? C’est la plus belle fille de Chicoutimi-Nord et la «petite amie» d'un fils de médecin, futur médecin lui-même. Mais le rêve d’épouser le futur médecin - et celui de devenir une danseuse à gogo pour Bruce (le chanteur des Sultans) - est brisé par un accident qui va la laissée défiguré.


«
Depuis l’accident de Claire, tout a changé. Même avec Judith qui est ma meilleur amie depuis toujours, ce n’est plus pareil.»
P. 127

Mais au fond, cette triste histoire n’est qu’un prétexte pour mieux exprimer comment différents individus ont vécu la fin d’un mode de vie traditionnel (une époque diront certains), pour laisser place à un mode de vie plus moderne : les années 70 et tous ses «possibles», surtout pour la jeune génération.
Tout ça ressemble beaucoup à la vie en banlieue de Montréal que j’ai connu au tout début des années 70.

«
... je suis retournée à la voiture et mon père parlait toujours avec la gars de la compagnie. Ça m’a apparu interminable. [...] J’ai fini par klaxonner mais, en voyant son regard, je me suis arrêtée tout de suite. Dans la voiture, il a bougonné en me disant que j’avais été impolie.»
P. 31

Mais ce qui ressort le plus de ce livre à mon avis, c’est la détresse des mères : c’est pas croyable comme elles semblent toutes névrosées. Et elles sont décrites sans ménagement : femmes frustrées et condamnées à vivre et rêver dans leur foyer. Les pères, assez absents dans le livre, non pas non plus le plus beau rôle.

«
Lorsque ma mère est rentrée, elle m’a demandé où j’étais passée. J’ai menti. Je lui ai dit que que je m’étais égratignée en allant voir s’il y avait beaucoup de noisettes dans la forêt noire. J’avais peur qu’elle n’explose et qu’elle ne parte sa chanson que je suis toujours en train de me mettre les pieds dans les plats et que j’étais comme ça depuis que je suis toute petite. Quand elle partait là-dessus, elle n’en finissait plus et tout y passait : comment j’avais rapportée toutes les maladies de l’école, de la rubéole à la coqueluche, et que j’avais contaminé toute la famille. Comment j’avais renversé le pied deux fois de suite en jouant au ballon-prisonnier. Cette fois-ci, elle a juste ajouté que j’aurais l’ai fin mardi à la journée d’accueil. Mais c’est plus fort que moi, même si elle n’explose pas, on dirait que je l’entends quand même, comme un disque qui partirait tout seul.»
P. 145

Au final, un très beau roman sur la fin de l’enfance et le début de l’adolescence, sur une époque qui laisse place à une autre.



Lise Tremblay
La soeur de Judith
Boréal
2007. 176 Pages
ISBN : 9782764605394
CCR : 111,1.r/TRE

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* mais contrairement à bien des montréalais, je ne fais pas de Montréal un espèce de centre, entouré de «régions» ; pour moi, Montréal n’est qu’une autre région parmi d’autres régions du Québec.
** est-ce à dire qu’il y a (ou avait) un Chicoutimi-Sud, un Chicoutimi-est et un Chicoutimi-Ouest. Peut-être même un Chicoutimi-Station ;-)

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